Conseils pour le portrait – Partie 2 : cadrage et modèle
Après la première partie consacrée à la préparation d’une séance portrait et à la gestion de la lumière (publiée il y a presque un an maintenant…), on va maintenant se pencher sur les autres points auxquels il est intéressant de penser au moment de la prise de vue. On va donc parler du cadrage mais aussi du modèle ainsi que d’autres petits « trucs » !
Cadrage, perspective et composition
Ces 3 notions sont étroitement liées et sont donc difficilement abordables séparément. En fait si il fallait les décrire, je dirai que le cadrage consiste à choisir quels éléments seront dans l’image, la perspective permet de déterminer leur importance et la composition leur organisation dans l’image.
Varier les cadrages
Une première chose qui est assez facile à faire est de varier ses cadrages au sein d’une même séance/série de photos. C’est à dire d’alterner des cadrages larges qui viendront montrer le modèle ainsi que le contexte/environnement, des cadrages serrés qui seront plus axés sur le modèle en allant jusqu’à des photos de détails (chaussures, mains, …).
On peut également, dans le même ordre d’idée, jouer sur notre angle vis-à-vis du modèle. On peut donc se coucher par terre pour faire une contre-plongée, se placer en hauteur (sur un banc, une chaise, un rocher, un arbre, le toit d’une maison…) ou encore demander au modèle de se mettre assis(e) par terre tout ça dans le but de ne pas être constamment à hauteur de ses yeux.
Ce premier (double) point permet déjà, selon moi, d’obtenir pas mal de diversité au sein d’une série. J’essaye personnellement d’y penser pendant mes séances mais même récemment, j’ai des séries qui auraient clairement méritées que j’applique un peu plus ces deux « trucs » ;-)
Changer d’objectif pour changer de perspective
La perspective est une notion plus difficile à illustrer que le cadrage, mais on peut dire que la perspective permet de jouer sur l’importance dans l’image des différents plans (premier plan, second plan et arrière plan). Ces 3 plans ne sont pas forcément tout le temps présents mais leur présence permet d’apporter de la profondeur, de l’immersion dans l’image.
Pour influer sur la perspective, il faut jouer sur la focale et donc éventuellement en changeant d’objectif. On peut séparer la plage focale en 2 grandes familles : grand-angle (en dessous de 50mm) et télé-objectif (au dessus de 50mm).
Grand-angle
Quand on parle de « grand-angle », on pense en général que son principal intérêt est de faire rentrer plus de choses dans le cadre mais c’est finalement assez limité comme point de vue. Le grand-angle permet en fait d’éloigner les plans les uns des autres, de créer de l’espace et permet donc notamment de mettre en valeur le premier plan tout en rendant l’arrière plan moins présent. Il permet aussi, en l’inclinant vers le haut ou vers le bas, de créer des lignes de fuite très facilement.
En pratique, on pourra l’utiliser pour jouer sur les proportions du modèle, pour rendre un arrière plan moins présent/imposant mais aussi et surtout pour apporter de la profondeur, de l’immersion à une image. Il faut par contre bien faire attention aux déformations que ce genre d’objectif introduit sur des portraits rapprochés, ça peut vite devenir très peu flatteur ;-)
J’ai actuellement un Canon 35 f1.4L et un Canon 17-40 f/4L (ultra grand-angle) et ce dernier est clairement un objectif que je ne maîtrise pas bien et je le sais ^^. Le grand-angle (et à plus forte raison l’ultra grand-angle) est une focale qui demande de la pratique notamment parce qu’à 17mm sur FF, il y a beaucoup de choses dans le cadre et ça devient vite bordélique… Par contre, il est clair que ce genre de focale permet des choses vraiment très intéressantes et notamment le fait de pouvoir rendre les photos très immersives en intégrant très facilement les 3 plans dont on a parlé plus haut.
En rédigeant cet article, je suis tombé sur le site www.cambridgeincolour.com qui explique un certain nombre de principes de base de la photographie dont l’utilisation du grand-angle. Vraiment très intéressant pour approfondir ce point ainsi que plein d’autres sujets qu’ils abordent !
Télé-objectif
Le télé-objectif est un peu l’objectif par excellence du portrait et beaucoup utilisent d’ailleurs pour cet exercice des 85mm ou 135mm. Contrairement au grand-angle, le télé-objectif permet de rapprocher/compresser les plans. En pratique, il est en général assez flatteur pour les portraits « serrés » et permet également de donner plus d’importance à l’arrière plan.
Comme pour le grand-angle, il y a sur le site www.cambridgeincolour.com un petit speech sur l’utilisation du télé-objectif également très instructif.
On peut voir en regardant ces 2 photos la perspective totalement différente entre la photo de gauche prise au 17mm et celle de droite prise au 50mm. On voit clairement que l’arrière plan (l’entrée du tunnel) semble beaucoup plus éloigné sur la première et que le corps de Jérémy semble aussi plus « long » ^^.
Voilà 2 photos respectivement prises au 17mm (j’étais couché par terre) et au 135mm. Sur la première, ça m’a permis de « rallonger » les jambes de Marine et d’inclure le lustre et le poteau à droite dans le cadre en utilisant un grand-angle. Au contraire, sur la seconde photo faite au 135mm il n’y pas de déformation visible.
Soigner la composition
La composition et ses règles ne vous sont sûrement pas inconnues. La composition, qui consiste à organiser les éléments dans l’image pour mettre en valeur le sujet/modèle, est « régie » par un certain nombre de règles dont la plus connue est sûrement la règle des tiers (basée sur une approximation du nombre d’or). Il en existe bien-sûr une multitude qui sont souvent très intéressantes et qu’il faut maîtriser pour pouvoir ensuite les utiliser au mieux ou justement ne PAS les utiliser ;-)
Ensuite, pour pouvoir composer votre image comme vous le souhaitez, il vous suffit d’utiliser le cadrage et la perspective dont on a parlé juste avant ! Tout simple, non ? ;-p
La composition est une notion vraiment très vaste et complexe et je vais donc, plutôt que de vous noyer dans les explications et les règles, vous diriger vers un livre vraiment top sur le sujet qui vous expliquera cela beaucoup mieux que moi : « L’Oeil du photographe et l’art de la composition » de Michael Freeman
Sur la photo de Linda à gauche, son visage est excentré vers le haut et la droite afin de laisser de l’espace à gauche quitte à couper un peu le haut de ses cheveux (parfaite illustration de la règle des tiers). Au contraire à droite, Marine est centrée pour accentuer le côté graphique du fond en ne respectant donc pas la fameuse règle des tiers, mais ça marche, non ? :D
Tourner autour du modèle
Alors que le fait de tourner autour du pot n’aide pas trop pendant une séance photo (vous n’êtes pas obligés de rire…), tourner autour du modèle est beaucoup plus intéressant ! Ce n’est certes pas faisable partout (notamment en studio) mais le fait de tourner de 90°, 180° ou 270° autour du modèle permet parfois d’obtenir une lumière plus sympa, un cadrage plus original ou encore un arrière plan plus intéressant alors qu’on serait peut-être passé à côté autrement.
Utiliser l’environnement comme premier plan
Dans le cas d’un portrait, on a classiquement notre modèle au second plan, un arrière plan bien-sûr et éventuellement un premier plan. Ajouter un premier plan peut permettre de donner des détails supplémentaires sur le lieu où le modèle se trouve et rajouter de la profondeur à l’image. Il ne faut donc pas hésiter à utiliser votre environnement comme premier plan et même comme cadre pour votre image ou votre modèle. C’est un concept que je n’utilise encore que trop rarement (la plupart du temps avec des feuillages comme ci-dessous) mais j’y travaille ^^
Posez-vous
Je place ce paragraphe en plein milieu de cet article car c’est aussi au beau milieu de la séance qu’il est souvent bon de prendre le temps se poser quelques minutes. Profitez-en pour regarder les photos que vous avez prises jusque-là, regarder votre sujet, l’arrière-plan aussi car on l’oublie assez souvent avant de presser sur le déclencheur ! Essayez de voir ce que vous avez capturé, de le comparer à ce que vous espériez de cette séance, de voir ce qui distrait le regard dans telle ou telle image… bref posez-vous et recadrez éventuellement la séance ;-)
Diriger le modèle
Si il y a bien une partie qui n’est pas simple à aborder dans une séance portrait c’est l’interaction avec le modèle, faire en sorte que la/les personne(s) photographiée(s) soient à l’aise, qu’elles paraissent à leur avantage… Il y a bien sûr une grande partie de relationnel entre le photographe et le modèle mais il y a quand même quelques trucs qui peuvent faciliter cet exercice.
Les basiques
Il y a quelques basiques qui fonctionnent en général assez bien et qui permettent de débuter :
La posture : Pour les femmes, on préférera en général des postures de 3/4 qui sera facilitée en basculant son poids sur la jambe arrière (la seconde est un peu pliée du coup). Pour les hommes les postures de 3/4 fonctionne également ainsi que les postures de face (ça fait plus viril ^^).
Les mains/bras : Après la posture, c’est en général les mains/bras dont les modèles ne savent pas quoi faire. Les hommes pourront les mettre dans dans leurs poches par exemple (plutôt que de les laisser collées le long du corps…). Les femmes elles, peuvent bien-sûr poser leurs mains sur les hanches pour une pose assez classique ou encore tenir une ombrelle ou un bouquet.
D’une manière générale on conseille souvent aux femmes de « plier tout ce qui est pliable » : genoux, cou, coudes, poignets, buste… Certains points vus plus haut (mains dans les poches ou sur les hanches, basculer sur la jambe arrière) permettent d’ailleurs de plier tout ça « naturellement ». C’est certes un peu extrême comme principe mais ça fonctionne bien et on retrouve d’ailleurs très largement (et exagérément) ce « concept » dans la photo de mode ! Vous pouvez voir ci-dessous Linda et Elsa qui font ça très bien ;-)
Un autre truc qui est également assez utile est de demander au modèle de changer un petit quelque-chose dans sa posture à chaque fois qu’elle entend le déclencheur. Cela permet sur une série de quelques photos d’avoir des poses légèrement différentes et quand on voit un truc qui nous plaît, lui demander de jouer autour de ça.
Guide de pose
En plus de ces quelques basiques sur la posture des modèles, un guide de pose peut s’avérer pratique pour faire comprendre au modèle ce que vous souhaitez, ce que vous avez en tête ou tout simplement pour y piocher des idées au fil des séances. Vous pouvez compiler vous-même des photos (de magazines ou du net) et vous en fabriquer un. C’est d’ailleurs ce que je comptais faire initialement, mais il existe aussi des guides de pose « tout-fait » à des prix trèèès variables… J’ai récemment acheté l’application posingapp disponible sur Iphone et Android qui est pas mal foutue pour son prix (1.49€).
Mettre à l’aise le modèle, détendre l’atmosphère
La mise en scène
Toutes ces astuces sur les poses, c’est bien beau mais malgré ça, tout le monde n’est pas forcément à l’aise pour « prendre la pose » sur commande. Une idée très sympa expliquée par Jasmine Starr il y a quelques temps sur son blog est d’inventer un histoire, une mise en scène pour justifier telle ou telle pose.
Prenons l’exemple d’une séance avec une modèle que l’on souhaiterai photographier adossée à un mur. On peut dans ce cas imaginer qu’elle est à attendre le bus adossée au mur et que quelqu’un l’interpelle. On aura alors une justification pour la pose, du mouvement et de la spontanéité et ça ne manquera pas, en plus, de détendre l’atmosphère !
Discuter, échanger
A de rares exceptions près, les modèles sont souvent un peu stressés/tendus au début d’une séance et il faut donc faire en sorte de détendre l’atmosphère. Il est donc très important de discuter, d’échanger, de blaguer… On peut même se faire une petite session de grimaces ou de « sauts » pour se détendre un peu ! Ce n’est pas toujours évident mais cela va vous permettre de mettre à l’aise le(s) modèle(s) et également de profiter de ces instants de transition pour shooter ! Les attitudes entre 2 poses sont en général très naturelles et font vraiment ressortir la personnalité de la personne photographiée.
Dernier petit conseil que je mets en pratique de plus en plus souvent, mettre de la musique ! Avec un smartphone, l’application Deezer et un petit haut-parleur comme celui-là, plus d’excuse (à part celle d’oublier comme ça m’arrive parfois…) !
Aller plus loin
Sortir de sa zone de confort
Quand vous commencez à bien connaître une technique, un domaine, un style de photos ne vous limitez pas à ça, tentez de nouvelles choses ou vous finirez par vous lasser (c’est en tous cas mon point de vue…). Vous pouvez déjà commencer par tester une chose nouvelle à chaque séance au milieu de choses connues pour pouvoir le faire sans trop de pression.
Tester
Parce qu’on ne peut pas forcément innover ou tester beaucoup de choses pendant une séance photo, prévoyez des séances « test » où le/la modèle est au courant à l’avance qu’il n’y a aucune garantie de résultat, c’est un autre moyen de tester de nouvelles choses sans pression.
Regarder en arrière
Revoir ses anciennes images, celles qui vous plaisent ou au contraire celles qui ne vous plaisent pas, vous permettra peut-être de trouver des dénominateurs communs, de mettre le doigt sur ce qui vous semble marcher ou non…
Collaborer
Que ce soit avec des photographes, stylistes, maquilleurs, associations… il est toujours intéressant de trouver des collaborations pour réaliser des choses nouvelles, de s’ouvrir à de nouvelles possibilités. Typiquement dans mon cas, en collaborant avec Lydia (MUA) sur quelques séances, cela m’a clairement ouvert de nouvelles possibilités !
Pratiquer
Sûrement le plus important, sortez, mettez à contribution vos amis pour jouer les modèles, prenez des photos, ;-)
Pour conclure
Je ne connaissais pas (et je ne sais d’ailleurs plus comment je suis tombé là-dessus) mais le Holstee Manifesto sera très bien pour conclure cet article !
8 commentaires
Ping :
Samir
Excellent article, je suis d’accord avec pas mal d’élements !
J’ajouterais qu’il ne faut vraiment pas avoir peur de pratiquer encore et encore en trouvant sans cesses des pretextes et des modèles bénévoles (amis/familles).
Le portrait est l’exercice le plus connu et pourant l’un des plus compliqués beaucoup d’éiéments rentrent en compte, il peut être interessant d’accorder un peu d’importance à la post-production. Sous Lightroom par exemple on peut simplement retoucher la peau; le regard etc…
Guillaume Ménant
Merci ! Totalement d’accord avec toi (c’est d’ailleurs mon dernier point dans l’article), il faut pratiquer !
Adrien M
Bon article, bien écrit, bon tour d’horizon !
Merci.
Seb F.
Ouah, super complet, j’adore et je prends pour mes liens photo de Novembre ;-)
Pour le manifesto Holstee, je l’ai peut-être twitté il y a quelques temps ; ca se trouve c’est comme cela que tu as découvert ca.
J’adore ce truc, j’en ai même fait plasitifer 2 exemplaires A5 pour me faire mes tapis de souris (comme ca, toujours sous les yeux ^^)
Guillaume Ménant
Merci ;-) Je ne pense pas que ce soit par toi car je ne suis pas trop twitter ^^
Barouder.com-Photographie
Une astuce pour éviter les déformations optiques qui peut être éventuellement une règle. Ne jamais shooter à moins de trois mètres du sujet. Si c’est trop loin, changez de focale.
Guillaume Ménant
En effet, c’est une pratique assez répandue. Mais ça reste un conseil car le fait de shooter plus proche que 3m est parfois obligatoire suivant ce qu’on souhaite faire et permet aussi des prises de vue différentes.